Money, money, money
mon amour de la gratuité x mon besoin d'argent = maxi confusion. Où l'on parle avec le darling de notre rapport à l'argent; le respect, la gratitude ou au contraire le rejet qu'il provoque chez nous.
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Comment allez-vous ?
C’est un moment un peu particulier pour moi. J’écris cette nl depuis ce double enregistrement il y a 2 semaines. J’en suis à la 62e version et décide finalement de vous écrire ainsi, en maxi vulnérabilité, sans réponse, mais avec des doutes, des questions, voire des demandes. Je le fais par… foi. Car je me suis engagée vers l’honnêteté mais franchement piouf, quelle aventure…
Finalement, j’ai tendance à vouloir vous être utile (je suis une femme typique)(une enfant d’immigrée typique aussi), en vous apportant des réponses, une manière d’envisager les choses, mais là en fait non, je ne suis pas « self-adjusted ». A moins que… à moins qu’il s’avère utile de me montrer telle que je suis, y compris, en pleine confusion. On n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle.
1 – plaisir d’offrir, joie de recevoir
Depuis que j’ai lancé ma page Substack, j’ai une ENORME tension autour de l’argent. Je propose un abonnement payant, pour faire vivre cet espace. Mais dès que j’y pense, une peur surgit : serai-je capable d’écrire régulièrement ? Quoi proposer en retour d’un abonnement payant ?L’idée d’être redevable, sur un temps long en plus, me paralyse. Et puis… je donne déjà, puisque je vous écris.
J’ai toujours tenu à préserver ma liberté. Quand j’écrivais sur mon blog, j’avais refusé la publicité, les sponsors. Transformer cet espace en “projet entrepreneurial” menaçait mon intégrité. Ce que je voulais, c’était être complètement libre. Ce désir ne m’a jamais quittée. LI-BREU!
J’ai aussi toujours tenu à créer des espaces de gratuité, des espaces temps avec ZERO stratégie. M’obliger à Cultiver des temps que j’accorde à autrui, à mes communautés. Cultiver des temps, où je peux être utile, où je donne sans attente, juste parce que ça déborde. Parce que c’est vital. Juste parce que j’aime. Une offrande, pas un service.
C’est ma manière de lutter contre la culture capitaliste et sa colonisation de ma-notre psyché. Quelqu’un qui finit par dire « je me lève pas si c’est pas payé. » « faut gagner sa vie » ou bien sûr « le temps, c’est de l’argent », me déprime total.
Mais alors… pourquoi proposer un abonnement payant ici?
2 – une économie du lien, pas de la dette
Je veux publier ici par amour. Simple. Basique. Ce que je cherche au fond, c’est une autre manière de faire circuler la valeur. Une économie du lien. Une relation qui ne repose ni sur la logique client/fournisseur, ni sur celle de l’employeur/employé. Je ne veux pas devenir une marchandise, ni que ce que je crée le devienne.
De la passion bordel!
Jerry m’a confié s’être senti totalement triggered quand quelqu’un s’est abonné en payant sur Substack (il l’a de suite remboursé). Moi, j’avoue… j’adore. Hahahahaah! Je découvre que ça me touche profondément. C’est comme un “merci d’exister”. Et là où recevoir de l’argent de sponsors m’empêchait d’être libre sur le blog, recevoir de l’argent de vous ici, me rend justement plus libre. L’intention n’est pas de faire affaire mais que chacun.e, de sa position, envoie de l’amour, de la gratitude (ohlala je n’avais pas compris avant). Et bien sûr, ça me donne encore plus envie d’écrire. CQFD.
Je me souviens de la sortie de mon film Les Rivières. Je tenais à ce qu’il soit payant. À 12 euros. Un ami journaliste m’avait dit : “Tu es sûre ? Sur Netflix, c’est 3,99 pour un milliard de films.” Mais 1/ je trouvais que ce que les gens recevait était bien plus précieux que 12€ et 2/ je voulais une autre logique : celle de l’engagement. De la présence. Et que le paiement soit un « wow merci », un geste de gratitude, pas un acte de consommation.
3 – allez, je vais le dire cash (hohoho)
Soyons honnêtes et prosaïques (après tout, l’argent a aussi ce pouvoir de nous ramener sur terre) : les artistes comme moi avons besoin d’argent pour continuer. okay je vais plus loin : j’ai besoin d’argent (wow c’est dur, c’est très dur à écrire)(allez je le mets en gras aussi).
Pour les penseurs.ses, les poètes, tous celleux qu’on a jugés.es “non essentiels.les” pendant la pandémie… c’est MAXI technique financièrement. Nous sommes fragilisés.es face à la prédation, à la culture du pourquoi payer quand tu peux l’avoir gratos?
C’est pourquoi d’ailleurs, je fais très attention à ce que mes films ne tombent pas dans cette logique : ils sont payants pour le public, pour les institutions, pour les entreprises, et je ne les mets pas sur d’autres plateformes que la mienne car les fees proposés sont tellement bas que c’est une honte. Je déteste me sentir exploitée et ai vu tellement de réal/artistes se contenter uniquement d’avoir leurs films vus, leur musique écoutée, sans gagner d’argent du tout. WTF.
Allez oui, si on utilisait notre argent autrement ? Pour soutenir des artistes. Des causes humanitaires. Des artisans vivants. Pour contribuer à ce qui est beau, juste, vivant.
4 – Mais où est le problème?!
C’est vrai ça, où est l’os?! Je n’ai aucun problème à établir un devis, même élevé, quand je trouve ça juste, à faire payer mes films, à demander de l’argent pour un crowdfunding (allez nous écouter avec Fab Florent sur histoires d’argent (j’étais alors super self adjusted)), à ne pas en demander pour mon blog... Il y a d’habitude en moi une connexion fluide à la valeur, au prix. Mais ici sur Substack… c’est autre chose. Je n’ai pas d’intuition.
Okay… Je n’ai pas d’intuition quand… quand… quand… j’ai peur.
Et peut-être que c’est ça que je comprends en vous écrivant, deux mois après l’ouverture de ce compte, deux semaines après notre conversation avec Jerry, qui me disait : “Mes clients ne me paient pas pour une heure. Ils me paient pour mes 60 années de vie. Ils mettent de l’argent pour soutenir mes choix de vie, ma quête de vérité et de compagnonnage. Je suis plus utile assis avec eux à les écouter, qu’à aller chercher de l’argent ailleurs.”
Finalement oui, ce n’est pas l’argent qui me fait peur.
C’est de vous en demander.
Et maintenant que je l’écris…
Ça va déjà mieux.
J’allais finir là dessus mais…. en même temps… tsss ça n’en finit jamais… dois-je formuler une demande?!!!!! Je m’engueulais avec un proche dernièrement qui me réclamait de la gratitude. La gratitude ne se demande pas. Elle se ressent, ou pas. Je fais ce post gratuitement, sans stratégie. Il n’y a donc pas de dette en me lisant, mais si le coeur t’en dis, fais un geste gratuit (même si c’est en t’abonnant payant). Un échange d’offrandes en somme.
Je dis souvent que les artistes avons peu de frontière entre ce que nous faisons et qui nous sommes. Et je mesure ce matin mon incohérence, car je peux demander de l’argent très facilement pour… ce que je fais (mes films, le crowdfunding, mes presta-clients….), mais pas pour qui je suis. Pourquoi oser demander pour le dur labeur, le « c’était beaucoup de travail quand même », et ne pas oser en demander pour sa joie, sa liberté, sa sécurité, pour son plaisir? (femme typique)(enfant d’immigrée typique).
Sans doute là est ma vulnérabilité.
Amour, amour, amour,
Mai
ps : si vous avez envie de prolonger cette réflexion, lisez (en anglais) THE GIFT, c’est une MERVEILLE pour comprendre le lien entre la création et l’argent dans un monde capitaliste.
Depuis que je suis sur Substack, je dois l’avouer j’ai beaucoup de mal à me dire que je vais payer pour du contenu. Et c’est FOU parce que je suis moi même artiste, que je sais ce que c’est, que je reconnais l’immense valeur de ce que je lis et qui me nourris. Mais voilà moi aussi je suis dans cette économie qui me paie pas les artistes alors il y a la solidarité mais le passage à l’acte est difficile et je m’en veux pas mal pour ça. Je crois qu’Instagram a faussé la donne. On a été abreuvé de contenu gratuit exceptionnel pendant des années. Habitué.e.s à être nourris “gratos” en échange de pub, de temps de cerveau disponible. Autant un blog pouvait être un espace gratuit et libre (je crois ?) autant sur Instagram celui qui récolte la thune, ben c’est méta.
Je sens qu’il faut que je me rééduque à ne pas passer par des intermédiaires qui obscurcisse le rapport à l’argent et qui donne une illusion d’abondance à celleux qu’ils appauvrissent.
Merci pour ce partage c’était super agréable la version parlée pour écoute comme un podcast ❤️ merci pour ta vulnérabilité ❤️